30 jun 2011

Les Origines (suite)


Le christianisme du moyen-âge ouvre ensuite le champ du « nouvel » art chrétien. Au début, c’est l’Église et les monastères qui prennent la place des mécènes privés et organisent le rassemblement des œuvres d’art. Les manuscrits ornés d’enluminures et de miniatures seront les œuvres caractéristiques de cette période, avec bien sûr l’architecture religieuse, mais aussi des collections de spécimens du monde animal, du monde végétal et du monde minéral. Vers les XIIIème et XIVème siècles, avec le développement du commerce et le développement urbain, ce sont les religieux, le clergé, les courtisans, les chevaliers et les bourgeois qui vont s’intéresser le plus à l’art et grâce auxquels un mécénat laïc va renaître. « Les ordres de chevalerie, les corporations, les familles de la nouvelle bourgeoisie constituent les principaux commanditaires de la période gothique, qui voit surgir oratoires, chapelles, tombeaux, fresques votives… Les édifices civils, les habitations, les châteaux et les palais sont maintenant décorés et ornés avec un luxe nouveau, et un climat nouveau d’autonomie esthétique se laisse déjà percevoir dans des collections comme celles du duc de Bourgogne et du duc de Berry».[1]

Laurent de Médicis
A la Renaissance, un nouveau mécénat surgira, qui donnera une nouvelle impulsion à l’art et aux artistes. Florence sera le grand centre de ce réveil, et des familles comme les Rucellai, les Strozzi, les Quaratesi, les Médicis en seront les promoteurs. Parmi eux, Cosme et surtout Laurent de Médicis vont jouer un rôle très important dans le mécénat des artistes. Dans cette période, la production d’images est considérée comme un luxe, de par la nature dispendieuse et coûteuse de cette activité, mais aussi par le prestige qu’elle donne aux acheteurs d’œuvres d’art. On commence donc à voir les mécènes financer les artistes en leur assurant des revenus réguliers. C’est ainsi que « La pratique qui domine est celle de la commande passée à des artistes qui travaillent sous contrat et sont payés au forfait ou sous forme de salaires ; et il est tenu compte de la quantité de travail demandée, du nombre des collaborateurs et du coût des matériaux ».[2]


Leonard de Vinci
Raphaël
Michel-Angel
Giorgio Vasari

Dans le même temps, le souverain s’impose un nouveau devoir : s’intéresser à tous les aspects possibles de l’activité intellectuelle. Alors, la connaissance de l’art antique et la promotion de l’art moderne seront deux aspects capitaux du mécénat des princes. On voit émerger des académies littéraires, et d’importantes collections dans les palais et les musées-jardins. Avec Léonard de Vinci, Raphaël et Michel-Ange, le métier d’artiste commence à être reconnu comme tel, et le génie de l’artiste prend le pas sur la technique. Ce mécénat « à l’italienne » va se déployer chez d’autres empereurs et rois, comme François Ier, Maximilien et Charles Quint, qui inviteront des artistes italiens à leurs cours. Un peu plus tard, dans la deuxième moitié du XVI siècle, l’italien Giorgio Vasari est une figure fondamentale du mécénat. C’est lui qui a fondé la première académie de dessin, qui a constitué la première collection de dessins et celui qui a construit le premier bâtiment destiné à arbitrer une galerie d’art.
À différence de l’Italie, de la France ou de l’Espagne, où le mécénat est très présent, dans les pays du nord, les artistes travaillent indépendamment. Les corporations d’artistes organisent des expositions et des ventes aux enchères, permettant à « tout » le monde d’acquérir des œuvres. Cette activité va se répandre peu à peu dans toute l’Europe et prendra en France la forme de salons, dont les premiers seront organisée sous le règne de Louis XIV.



[1] Le mécenat. Luigi Salerno. Encyclopédie Universalis.  http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1918_num_79_1_448612
[2] Ibidem.

23 jun 2011

Qu’est-ce que le Mécénat ?


Le « Mécénat », mot datant du XVIII° siècle, vient du nom de Mécène, un grand personnage romain, ami d’Auguste, qui défendit et soutint financièrement les gens de lettre. Par extension, ce terme désigne le soutien privé aux activités artistiques.

La définition du mécène, telle qu’on la connaît aujourd’hui, est plus ancienne que le concept de mécénat. Elle date de la Renaissance, à l’époque où les grandes familles italiennes, puis de toute l’Europe, s’intéressent à nouveau à l’Antiquité, et créent un nouvel élan artistique. De ce fait, le mécénat est beaucoup ancien que sa définition : ainsi, « le mécénat n’a toujours été qu’une des formes prises par le don, l’une des formes les plus instituées, les plus fécondes et les plus ancestrales. En Europe, le mécénat, qui date de la Grèce antique et de l’Empire Romain est la modalité la plus ancienne du soutien éclairé aux artistes et aux innovateurs ». [1]

Si le personnage historique de Mécène était avant tout défenseur des lettres, « historiquement, le mécénat peut désigner toute forme de protection des arts et des activités relevant du talent. Est mécène quiconque, sans exercer lui-même d'activité artistique, contribue à promouvoir la pratique de l'artiste ». [2]

Le mécène est fondamentalement désintéressé. Ainsi, selon Karen Nilsen, « le mécénat est non seulement un don, mais aussi, et avant tout, un acte philanthropique : il doit bénéficier à la communauté ».[3]

Dans sa conception moderne, le champ d’application du mécénat dépasse le domaine des arts et s’ouvre plus largement aux domaines d’intérêt général : « on peut donc désormais le définir comme l’ensemble des concours consentis par une initiative privée en faveur de domaines d’intérêt général, et s’étendant au champ de la culture, de la solidarité, de la santé, du sport, de l’éducation et de l’environnement ».[4]

Aujourd’hui, le concept de l’intérêt général a officiellement dépassé celui des arts et lettres, comme on peut le voir dans la définition du mécénat donnée par l’arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière : « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général». Dans le même ordre d’idée, le Ministère de la Culture et de la Communication définit le mécénat comme « le versement d’un don (en numéraire, en nature ou en compétence) à un organisme pour soutenir une œuvre d’intérêt général ». Cette définition est intimement liée au mécénat d’entreprise, qui est la forme moderne la plus développée du mécénat, comme nous le verrons bientôt. Dans ce cadre, le mécénat peut s’apparenter à un acte de promotion (ou publicité) de l’entreprise, qui bénéficie d’une image positive en finançant des activités d’intérêt général sans en obtenir de bénéfice direct. 
Comme on peut le voir, les concepts de soutien et de don sont au cœur de toutes les définitions du mécénat. Dans les plus récentes, la notion d’intérêt général vient s’ajouter afin d’y inclure de nouveaux domaines comme le sport, la solidarité, la science et l’environnement.

Le fait que l’État ait sa propre définition du mécénat et cherche à en délimiter son action répond notamment aux besoins de sa politique culturelle, par le biais de son dispositif fiscal, puisque les actions de mécénat peuvent donner droit à des réductions d’impôts. Nous verrons plus en détail dans un prochain article quelles sont les règles établies par l’État dans ce domaine.


[1] Nicolas Simon et Marianne Eshet. Le Mécénat Valeur Actuel. Pages 39/40. Gallimard. 2009.
[2] Encyclopédie Universalis.
[3] Karen Nielsen. « Le mécénat mode d’emploi » Collection Patrimoine. IESA. 2007. Page 24.
[4] François Debiesse. Lé Mécénat. Page 10. Presses Universitaires de France. 2007.

22 jun 2011

Les Origines


Pour aborder cette étude sur le mécénat, j’ai d’abord cherché à en connaître l’histoire, à retrouver les origines de cette relation « éclairée » avec le domaine de l’art.
Les premières actions pouvant être considérées comme du mécénat apparaissent en Egypte, avec la politique de construction des pharaons. L’appui à la création artistique correspond alors à une projection stratégique de leur pouvoir, mais sans doute aussi à un intérêt réel pour la création artistique et l’art.

En Grèce antique, l’art commence à être perçu par les puissants comme « le moyen d’exprimer les signes de leur souveraineté et de leur grandeur »[1]. Ainsi, on retrouve les toutes premières collections dans les temples, dans les sanctuaires, dans les tombeaux et dans les palais des souverains.
C’est dans la période hellénistique que l’on commence à voir apparaître un mécénat proche de celui d’aujourd’hui : une « politique » de promotion des arts et des artistes. « Ce fut, pendant des siècles, une façon pour le pouvoir politique de promouvoir la création artistique et les rituels collectifs, mais aussi, sur un mode plus original, d’effacer ou même d’inverser le rapport de force dont procède ordinairement le pouvoir politique. »[2]. A cette époque, on trouve des mécènes importants comme Alexandre le Grand Ptolomée Ier Sôter, le plus remarquable, qui a laissé la Bibliothèque d’Alexandrie, et le Mouseion, sorte d’Académie où les érudits, défrayés par les souverains, pouvaient faire leurs recherches.

Mais c’est à Rome que le mot de mécénat va naître, du nom du citoyen romain Caius Cilnius Maecenus. Ce riche patricien, né vers 70 avant JC, a dédié sa fortune et son nom à la protection des poètes et à la promotion des lettres. Sous son aile, on trouve ainsi les plumes d’Horace, de Virgile et de Properce. C’est aussi à Rome que naît la pratique de prendre des œuvres d’art à ses ennemis, comme trophées de guerre, pour ensuite les exposer dans les lieux publics ou dans les demeures des souverains, ce qui a permis de conformer de véritables collections d’art, bibliothèques et pinacothèques. Malgré l’importance croissante des œuvres d’art, le mécénat de cette époque était surtout orienté vers les écrivains et les poètes plutôt que vers les artistes, encore considérés comme des artisans.



[1] Le mécenat. Luigi Salerno. Encyclopédie Universalis.
[2] Nicolas Simon et Mariannne Eshet. Le Mécénat valeur actuelle. Page 40. Gallimard. 2009